Le Crachat

L’abîme a des échos que l’on dirait d’éther,
Est-ce pour cela que s’y penche le poète
Pour entendre le crachat rencontrer la Terre
Ou au berceau du jour chanter l’alouette?

L’abîme d’un écho rebondit sur nos têtes
Et nos cœurs le peuplent de démons bien trop austères.
Pourtant c’est en ces lieux que chante la fauvette
Où dansent les satyres du Seigneur Lucifer

Regretteras-tu tes gages quand ton tour viendra
En tendant ta main moite à ma statue de marbre
Le valet figaro devenu potentat

C’est grave pour que chante, l’oiseau à la lunaire
Majesté qui s’ennuie des rimes et de mes vers
Couchés pour ne pas plaire sur l’écorce d’un arbre.

No Se

Je ne sais si des dieux, impatients et narquois
En leur ville éthérée, ont choisi pour mon jour
Nos rêves d’éternité à s’en passer le tour
En offrant à tes yeux la rose en sang et soie

Seulement, si heureux, puis je dire pourquoi
A la nuit tombée, les larmes coulent toujours
Inondant tes baisers, tes mots et tes détours
Sous le tumultueux flot de sang et d’éclats

Dieux, que la chair est tendre, dans vos mains de colosses
Ici les vies broyées, là y affleure l’os
Suffit-il à vos coups que nous soyons soumis?

Mais je ne crois des dieux que leur masque irritant
Où l’illusion viciée d’un prêtre grimaçant
Inspire à tout mon être, un frisson de mépris.

Bonne Nuit!

Dans l’obscurité et la nuit, quand nos dents claquent
Et notre cœur frémit, que des abîmes montent
Des gestes non finis, les monstres qui des contes,
Jaillissent sous nos lits en ordre démoniaque.

Ces armées silencieuses assiègent l’insomniaque
Qui n’ose ouvrir les yeux, redoutant dans sa honte
De ne voir que la nuit de ceux laissés pour compte
Quand la lune éclaire le sourire du vieux Jack.

Alors les yeux bien clos, affrontons les enfers
Bravons donc ces légions à l’éclat mortifère
Contre des succubes, des démons et nos rêves.

D’affronter le néant, il nous aura suffit,
Essayant de scruter nos fantasmes partis.
Faut il d’autres monstres, que ceux qui nous relèvent?

Rossignol Mécanique

Enfant, je souriais à entendre le chant
D’un oiseau automate, rossignol d’apparence.
Ses trilles m’éblouissaient et j’arrêtais l’instant
Pour l’écouter se battre contre le faux silence.

Plus grand, je compris mieux, l’ordre des éléments
Le sifflet n’était plus qu’un jeu de résonance,
L’oiseau ne chantait plus, il marchait simplement,
Et sa magie partit sous l’éclat de la science.

Enfant, je l’admirais et voulais comme lui
Chanter pour vous séduire sa belle mélodie
J’ai appris ses accords et joué de mes mots.

Plus grand, je compris mieux la douleur dans son cri
Les regrets qu’on ne chante qu’en regardant sa vie
Le rossignol chantait, de son chant triste et beau.

Toi

Je déchirerai les cieux, la terre et l’enfer
Pour que tes yeux s’éclairent et se perdent en les miens
Je détruirai ce monde qui n’est plus le tien
Et bâtirai pour toi, une Cité d’éther.

Tu n’es rien pour moi qu’un soleil à minuit
Que l’oubli du présent dans la fuite d’hier;
Tu n’es rien d’autre que l’espoir éphémère
Qu’un jour sera meilleur au creux de tes envies.

Mais tu n’existes pas, pas encore du moins
Le reflet d’un songe que veut peindre ma main
Une sorte d’idéal qui ne viendra jamais…

Je t’ai entr’apercue, croisée dans d’autres yeux
Il était bien trop tôt, ou trop tard si tu veux
Je ne sais plus qu’un jour, je te reconnaitrai.

Dans mes cahiers d’écolier

Je te hais, te méprise, mon épouse infidèle
Qui n’a jamais voulu me bercer à l’étreinte
De tes chairs écorchées; mais qui, encore belle,
A brulé de ces flammes que je croyais éteintes.

Tu as fait de ma vie un enfer immortel
Donnant l’éternité aux secondes défuntes
Quand tes mots suffisaient à déchirer les ailes
Que ton souffle a créé pour éloigner mes craintes.

Je gueule ton prénom aux passants étourdis,
Je l’arrache à ma chair comme un enfant chéri,
Je grave dans le feu, celle qui est partie.

Et mes doigts sont en sang, à t’écrire sans cesse,
Mon cri est un murmure que ta douleur caresse,
Et ton nom.. ton nom est blasphème, Poésie.

Chut(e)

Ils étaient différents, rien ne leur ressemblait,
Que le souffle échappé à leurs êtres parfaits.
Lilith fut la première à lui tendre ses bras.
Lui qui vivait au Ciel, elle qui n’en voulait pas.

Elle s’est cru assez forte pour renier ce qu’il est,
Mais que vaut un serment que son frère a défait?
Il était de glace, de grâce et pour la Foi,
Elle qui venait du Ciel, lui qui n’abjurait pas.

Et la déchue souffrait de sa sourde ignorance,
De ses lèvres fermées, de son dernier silence.
Lui qui doutait enfin, elle qui n’en pouvait plus.

Quand les yeux grands ouverts, il comprit son erreur,
L’ironie exigea qu’elle n’ai su son bonheur.
Lui qui tomba du Ciel, elle qui n’y était plus.