Impression de nuit

Sous la terre endormie, effrayé du soleil,
Je repose allongé mais les yeux grands ouverts.
J’ai fui cette chaleur qui emprisonnait l’air,
Et profite à présent d’un délicat sommeil.

Pourtant, l’obscurité se peuple de merveilles,
Ne laissant mon esprit à sa tâche première,
Il voyage dès lors redoutant la lumière
Cherchant en mille lieux, la douleur du réveil.

Puis un jour, la lueur vint troubler mon repos,
Faible de prime abord, noyée dans les échos
Elle fut comme un rêve au coin de ma mémoire.

Comme un soleil blanc, elle chassa de mes yeux
Les doutes et les terreurs, les anciens cauchemars,
Ce petit feu follet, cette flamme, ce Feu.

Mieux vaut des remords que des regrets

Je ne veux d’autres bras, pour apprendre à mon cœur,
Ce souvenir ancien que je chéris encore
Hésitant, vacillant, il agite mon corps,
De peine et de tendresse de colère et de peur.

La place reste vide, qu’importe mes efforts,
Pour oublier tes yeux, tes reproches, tes pleurs,
Pour oublier surtout que j’en étais l’auteur
Et que rester ensemble aurait été un tort.

Et si je dois t’aimer, ce n’est pas sans regrets,
A toute heure, à présent, que mon sang le sait
Je vis dans la mémoire de ta main qui m’étreint.

J’ai fuit tant que j’ai pu, maintenant c’est fini.
Je me retourne enfin et découvre, surpris,
Que je t’aime toujours et que tu n’en sais rien.

Un jour, un premier Mai

C’était un jour de mai, et le soleil brillait,
Sur un Paris curieux, vainqueur des jours d’avril
C’était un jour de mai, que le temps malhabile
Me rappelle aujourd’hui cent cinquante ans après

J’ai marché avec vous à vos derniers combats,
Sous les cerisiers en fleurs, j’écoutais vos pas
Au mur des Fédérés, les cris et les suppliques
Résonnaient dans mon cœur plus fort que la musique

Un frisson m’a étreint, et le soleil brillait,
Ce n’était plus ce Paris qui m’émerveillait
Mais le froid d’une ville qui brûlait toujours.

J’ai marché avec vous, la rage au creux du ventre,
Pour ne pas oublier, la douleur qui m’éventre
Et ce cri, rouge fruit, ce cri qui fut amour.

Eau Tarie

Du poisson, du poisson, il ne te faut que ça
Pour un peu, combler ta faim suffit à ta joie
Tu t’ébats dans l’eau, enfant de l’Océan
De Neptune ton roi au plus grand des titans

Animal plus ancien que l’Homme sur la mer
Tu l’observes pourtant s’agrandir sur la Terre
Et si tu ne chasses plus en fugaces bancs
Tu peux manger toujours les restes des géants.

Plus de faim aujourd’hui, il te suffit d’un « onk »
Pour que ces étrangers te jettent une conque
Tant de bruit que tu ne comprends pas, et pourtant…

Tu n’es plus seul aujourd’hui, entouré d’amis
Tu danses et te tortilles, tu n’as plus d’ennemis
Mais un bassin de trente mètres sur cent.

La Muse

Ton visage timide entouré de ténèbres
C’est ce qui me revient quand je repense à toi
Je vois le sable blanc couler entre mes doigts
Pareil à ma mémoire de ces éclats funèbres.

Je me souviens mon cœur, battant à s’arracher,
Quand je tendais ma main, doucement vers la tienne
Tu ne daignais rien voir -craignais-tu me fâcher?-
On aime comme on vit quand on a la vingtaine.

Ce morceau de mon âme, je le chéris encor
De croire en la douceur, je sais que tu l’ignores
C’est, au profond de moi, une simple lueur.

Calliope ou Erato, tu restera toujours
Non pas le sentiment mais la venue du jour.
Je t’en prie, ô ma muse, ne dis rien à mon cœur.

Dans la nuit

Une fois n’est pas coutume, les yeux grands ouverts,
J’observe mon plafond où mes pensées s’envolent.
Je ne peux m’endormir, alors, tout seul, j’espère
Que le sommeil viendra me cueillir en plein vol.

Je peuple l’obscurité de Zéphyrs perdues
Réécrivant les mots que j’aurais voulu dire
Condamnant Cendrillon à garder son pied nu
Ou raillant de la belle, son inconstant désir.

Je m’imagine un monde, où ayant pu tout dire
N’existe ni remords, ni honte, ni Zahir.
Et d’un alexandrin, balayer le réel.

Mais je sais qu’au réveil, tout restera pareil
Le ciel restera bleu et le bordeaux vermeil.
Je me prends à rêver d’un monde surréel.

Un souffle au matin s’est levé

Un souffle au matin s’est levé,
Il portait l’Orage et la Nuit
Et quand le vent est retombé
Il a fait naitre l’Harmonie

Vent tu te lèves d’Orient, viens là
Dresser mon corps tremblant, et las
Je suis de chair, de sang, d’éclat
Relève moi, souffle divin (OMB)

Un souffle au matin est parti
Dans les monts enneigés de nuit
Il mourut pour renaitre encore
A l’ombre d’un robinier d’Or.

Canon-de-choeurs

L’Écrit’Vin

Laiss’ moi tremper ma plume dans un nectar divin,
Que je trace des lettres de noblesse ou d’aveu
Chaque mot comme flèche se perd dans le sylvain
Chaque vers s’est levé prétendant être heureux.

Pourtant l’alexandrin aux couleurs du raisin,
Pâlit vite déjà, serait il trop moelleux ?
Je n’ose le croire, car si jamais convainc,
Mon vers-biage est souvent loin d’être ennuyeux.

Le ton manque de corps, le poème sonne creux
Il recèle un secret réservé aux curieux
Mais il reste un sonnet désespérément vain.

Alors pour le finir – cesse de lever les yeux,
Tu sais bien que je ne suis jamais très sérieux ! –
Je me permet de baptiser cet écrit vin.

Poussière écarlate

Je veux me souvenir du bonheur disparu
Des joies et du passé, du futur sans peine
Ne pas garder de toi, le crachat et la haine
Me rappeler plutôt les rires qu’on a eu

Je veux me souvenir que nous fûmes heureux
Un jour, on s’est promis, que nous le resterions
J’y croyais moi aussi jurant avec passion
De n’avoir que la joie tant que nous serons deux

Je ne veux pas oublier les combats perdus
M’être battu pour toi, pour nous, un pas de plus,
Avoir fait de mon mieux, ça ne suffira pas.

Tes yeux, tes grands yeux bleus, empli par la colère
Je n’oublierais jamais, tes mots pareils au fer
Et mon sang qui brûla, et ma chair qui tomba.

Poison

Il en fut de nos amours, comme d’un miracle,
Curieuses et insatiables, elles étaient d’illusions.
Nous les avons nourries d’espoirs, de déceptions
De la lumière sombre éclairant le pinacle.

Et si nos corps s’offraient – ô tristes réceptacles –
Aux plaisirs de la chair, aux torrents de passion,
Et s’ils se sanctifiaient sacrifiant la raison,
Ce n’était pas assez, ce n’était que spectacle.

Ma vie est une toile où je me peins à nu
Douleur, croquée à vif, peur, confiance déçue,
Je n’ai rien à cacher, j’écris d’après Nature.

Or, si je crains aujourd’hui de tremper ma plume
C’est que je n’ose par mes mots défier l’injure
Souviens toi mon cœur de cette douce amertume…